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POLICE ! CONTRÔLE DES ATTESTATIONS DÉROGATOIRES DE SORTIE SIOUPLAIT !

Contrôle des attestations dérogatoires de sortie.

Dimanche 22 mars 2020 — Confinement Jour 6

Horreur ! Malheur ! Panne de bière !! MAIS idée de génie du couple confiné : aller acheter des bières en courant. Comme dirait… je ne sais pas qui, car je n’ai jamais entendu quiconque s’écrier cela mais, c’est faire d’une bière, deux coups ! Attestations remplies, baskets aux pieds, papiers d’identité en poche, c’est parti ! Je m’étonne de la facilité avec laquelle je me suis adaptée à cette situation inédite. C’est ma quatrième sortie et tout cela me parait d’ores et déjà tout à fait normal de me faire un mot à moi-même m’autorisant moi-même à sortir de chez moi pour une raison que j’ai moi-même choisie. On parle quand même d’une restriction extrême de nos droits fondamentaux. Je me dis que je m’épanouirais en dictature. Nausée.

Notre bel élan est stoppé net à quinze mètres de la maison par une voiture de la gendarmerie. Contrôle des attestations de déplacement dérogatoire. La gendarmette baisse la vitre de son véhicule, elle porte un gilet pare-balles mais pas de masque. Sans doute que chez les gendarmes le virus entre directement par le sternum et pas par les narines. Elle tripote allègrement et sans gant nos attestations et nos pièces d’identité. Problème : l’Homme et moi n’avons pas coché la même case. L’Homme a coché « je vais faire des courses », moi j’ai coché « je vais faire une course à pied ». Nous avions juste prévu d’ aller acheter des bières en courant… Dialogue entre la gendarmette qui fixe la pièce d’identité de l’Homme et l’Homme qui n’habite pas là du tout hors confinement :
— Monsieur, qu’est-ce que vous faîtes là ?
— Je suis chez mon amie depuis le début du confinement.
— Non, qu’est-ce que vous faites ?
— Ah pardon, je suis ingénieur chez…
— Non mais qu’est-ce que vous faîtes là ?
— Euh… Bah… C’est-à-dire que… là… je télétravaille en fait.
Gendarmette (légèrement exaspérée) :
— NON ! VOUS DEUX, QU’EST-CE QUE VOUS FAÎTES, LÀÀÀÀÀÀÀÀ ?
J’interviens :
— Aaaaaaaaah ! On va courir.
— En jean ?
Oui, l’Homme est en jean. Lui va plutôt marcher vite et moi courir pour qu’on soit au même rythme. Enfin bon, il n’est pas question de courir le marathon non plus, il n’y a que deux kilomètres qui nous séparent de la bière. Le concept nous paraissait assez simple. Jusqu’à ce que nous ayons à l’expliquer à une tierce personne. La gendarmette continue :
— Il faut être honnête dans vos attestations ! Monsieur n’a pas la tenue du sportif.

Ah bon ? Il y a une tenue homologuée « sportif » en confinement ? On dirait qu’on a coché la case « je promène mon chien » mais qu’au bout de la laisse on n’a pas le chien. Mais la perspective de cent trente-cinq euros d’amende multiplié par deux, ça donne plutôt l’Homme qui dit :
— Non mais on allait faire des courses.
Moi qui enchaîne :
— En courant…

Fin du dialogue entre femmes :
— Où ça les courses ? — À la ferme.

— Vous n’avez pas le droit de vous éloigner de plus d’un kilomètre de votre domicile.
— Même pour faire des courses ? Parce que dans un rayon d’un kilomètre ici il n’y a aucun commerce.
— Non pour faire des courses c’est bon mais vous m’avez dit que vous alliez courir.
— Oui pour ne sortir qu’une fois on court jusqu’aux courses et on revient.
— Pour l’exercice physique c’est un kilomètre autour du domicile.
— Du coup on y va en marchant faire les courses ?
— Mais qu’est-ce que vous allez faire exactement ?
— Des courses, des courses, on va faire des courses !
— Pourquoi vous avez coché « exercice physique » alors ?
J’ai quand même la volonté d’échapper aux cent trente-cinq euros en cas de non- respect du confinement :
— Je me suis trompée Madame l’agent, je n’ai pas encore l’habitude, le confinement c’est nouveau, je suis un peu perturbée, je ferai plus attention la prochaine fois…
— Il faut cocher « aller faire des courses » si vous allez faire des courses, et « exercice physique » si vous faîtes de l’exercice physique.

Faudrait quand même être un peu décérébré du bulbe pour se dire : « Je vais aller courir mon kilomètre autorisé mais pour tromper les gendarme·ettes je vais cocher que je vais acheter du papier essuie-tout. Parce que je suis libre moi putain ! »

— Donc là Madame, qu’est-ce que vous allez faire ?
— Des courses. Mais je suis en baskets, est-ce qu’on ne risque pas de croire que j’ai coché la case « faire des courses » alors qu’en fait je vais courir ? Alors qu’en fait non, hein ? Je vais vraiment faire des courses. Moi je ne veux pas mentir.
— Non on peut faire ses courses en baskets.
— D’accord Madame l’agent. Je vais rectifier ça tout de suite. Vous auriez un stylo ?
— Aucune rature autorisée sur l’attestation, il faut rentrer chez vous en faire une autre. Dépêchez-vous, il ne vous reste que vingt-cinq minutes, vous n’avez le droit de rester dehors qu’une heure.

Grande fatigue. Je ne suis pas la seule qui m’épanouirais en dictature. Ça y est, je vomis.

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